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Compte-rendu de la conférence Les enfants victimes des violences intrafamiliales: les violences conjugales à l’espace Ethique

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Parole d'enfant a organisé une conférence pour les professionnels de l'enfance le mercredi 23 avril 2025 de 14h à 17h à l'espace éthique Méditerranéen, au CHU de la Timone. Nous vous en proposons une restitution.

Intervention du Docteur Emmanuelle Bosdure, médecin responsable de l'Unité d’Accueil Pédiatrique Enfants en Danger (UAPED: Repérage et diagnostic des enfants et adolescents co-victimes de violences conjugales - le cas des féminicides



Les violences conjugales sont des violences commises au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire de Pacs ou concubin. Elles peuvent être physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques. Sont évoquées les notions de troubles, de contrôle coercitif, d'emprise d'un parent par rapport à l'autre. C'est un processus qui s'inscrit dans le temps, dans le cadre d'une relation de couple actuelle ou passée. L'enfant est co-victime des violences conjugales qui se distinguent du conflit conjugal du fait de l'absence de liberté d'expression bilatérale et d'égalité des places.

Chaque jour: 3 femmes sont victimes de féminicide direct (assassinat) ou indirect (harcèlement,...)

En 2020: 19 598 mineurs ont été concernés par des violences conjugales.

80% des enfants sont présents au moment des actes de violences.

40% des enfants subissent des violences physiques directes.

4 000 000 enfants sont exposés aux violences conjugales.

Les enfants co-victimes: en 2020, 125 personnes tuées (chiffres nationaux) dont 102 femmes, 82 enfants orphelins d'au moins un de leur parent, 14 mineurs tués

Le collectif "Féminicides par compagnons ou ex" a compté en 2023 124 enfants orphelins, 18 enfants tués dans ces circonstances

Les mécanismes et les conséquences:

-Les enfants co-victimes concernent 3 à 4 enfants par mois à Marseille

-La maltraitance fœtale: les violences conjugales peuvent commencer à la première grossesse qui est un risque d'apparition/aggravation des violences conjugales. Les situations sont complexes (grossesse non désirée, déni de grossesse, négligence, consommation de médicaments ou de toxiques pouvant entraîner la mort in utero) et conduisent à de la souffrance fœtale (problème de développement du fœtus en rapport avec les violences physiques directes, plaie fœtale, présence d'hématomes placentaires).

Conséquences périnatales: La mère est sur le qui-vive, en stress post-traumatique, a des peurs permanentes. La mère qui n'est pas à 100 % disponible ne dépiste pas les besoins fondamentaux de l'enfant (besoins de bases ou besoins de sécurité de l'enfant. Celui-ci peut avoir des problématiques de l'attachement, des troubles de l'estime de soi. Le développement de l'enfant est grandement perturbé avec perte de la relation maternelle

- conséquence en périnatalité: l'enfant est trop calme ou pleure tout le temps (il est en hypervigilence). Il essaie de sur-stimuler sa mère, ce qui peut générer des passages à l'acte de la mère (syndrome du bébé secoué)

- conséquences pour l'enfant: en alarme (phase 1) - l'enfant s’adapte (phase 2). En permanence sur le qui-vive, il peut présenter des symptômes neurovégétatifs, de la tachycardie, de la pâleur, des problèmes de motricité, d'engourdissements, des tremblements, des sentiments d'irréalité - épuisement de l'enfant (phase 3)

Mécanisme en cas de violence extrême:

-le cerveau "disjoncte" pour se protéger (fonction archaïque du cerveau), les amygdales s'allument. La production de cortisol est activée, préparant l'organisme à réagir à un danger immédiat, automatique, inconscient. Il peut y avoir de la sidération, peu d'émotion (état dissociatif post-traumatique), l'enfant parle mais est calme sans émotion.

-2e phase: l'état de stress post-traumatique: la mémoire revient par flash, les images reviennent => conduites d'évitement, comportement phobique, addiction chez les adultes, boulimie, scarification pour "oublier" et hypervigilance (sursaut au moindre bruit par exemple)

La violence conjugale est un continuum au quotidien. Les enfants sont tout le temps en hypervigilance.

Participation des enfants aux violences conjugales:

Dans le couple confronté à des violences conjugales, l'enfant est vu comme un objet par le(s) parent(s), il ne semble pas exister, les parents ne le voient pas.

  • Dans les premiers temps: l'enfant est spectateur direct, non protégé ou spectateur indirect: au moment des actes de violences qui sont prévisibles on le déplace mais il entend tout, il subit.
  • Dans un deuxième temps, l'enfant essaie de s’adapter, soit il est proche du père violent, soit de la mère violentée. Il est parentalisé, son comportement est modifié. L'enfant peut prendre le rôle du père, de la mère, pour ses frères et sœurs. Il a des sentiments de peur, colère, honte, secret, hyper-vigilance, culpabilité. Le parent agresseur peut s'en prendre à l'enfant qu'il estime "déloyal".
  • Dans un 3e temps: par un schéma erroné de la pensée, l'enfant peut utiliser la violence, peut lui-même agresser ses camarades, sa fratrie, risque de parricide. Les conséquences sur le développement de l'enfant sont importantes et modifient son rapport à la violence, son rapport aux autres

L' enfant est témoin, victime. L'enfant "bouclier" prend des coups.

Repérer les signes d'alertes :

  • Symptômes: pleurs; anorexie, l'enfant oublie de manger, l'enfant va aussi s'oublier. Il est peu aventurier ou au contraire trop proche avec les étrangers, son sommeil perturbé, entrecoupé, il peut avoir un retard de poids, de taille
  • En milieu périscolaire: agressivité en milieu scolaire, au parc, auto-agressivité, troubles d'attachement, troubles somatiques (cauchemars, isolement, repli sur soi), cruauté envers les animaux

Des retards scolaires, des retentissements scolaires, une intolérance à la frustration, de l'opposition sont observés. Lorsque les enfants grandissent, ils peuvent exprimer un manque de respect envers les femmes, des convictions stéréotypées à l'égard du rôle des hommes et des femmes, des troubles du sommeil, font des tentatives de suicide, sont sur les réseaux sociaux, sujets aux addictions

Les grands ados ont des conduites à risque, peuvent fuguer, avoir des problèmes avec les femmes ou bien ils refusent de sortir, n'ont pas de relations amicales.

Conséquences accrues à l'âge adulte: addictions, dépression, alcool, cancer, toxicomanie

Signe physique: l'enfant bouclier (en protection entre sa mère et son père). Un bébé peut recevoir des coups. Le docteur Emmanuelle Bosdure évoque des fractures chez un nourrisson de 1 an, une intoxication médicamenteuse à moins de 9 mois. Il faut être vigilant sur la présence de toute ecchymose ou hématome chez un nourrisson de moins de 9 mois

Le protocole féminicide (avril 2022) est un circuit pour prendre en charge des enfants co-victimes:

-traumatisme psychique important

-hétérogénéité dans les prises en charges

-les enfants co-victimes d'un meurtre: nécessité d'une protection immédiate

-nécessité d'une harmonisation l'enfant doit être extrait et protégé.

L'UAPED Unité d’accueil pédiatrique pour l’enfance en danger coordonne ces soins à l'hôpital pour établir l'état de santé médical de l'enfant.

Téléchargez le flyer de l'UAPED en cliquant ici

Intervention des Dr Aubanel et Cotta, médecins de la Protection maternelle Infantile (PMI): Rôle de la PMI - Prévenir et protéger - Enfants de 0 à 6 ans

La PMI est un service de prévention médico-sociale de la santé maternelle et infantile qui existe depuis 1945, un service de santé publique. Le repérage de toutes les vulnérabilités est réalisé par une équipe pluridisciplinaire, c'est un service ouvert à tous (principe d'universalité).

Stratégie de soutien à la parentalité de la PMI: les mères ont besoin d'être sécurisées, ont besoin de bienveillance; valorisation des parents, guidance côte à côte. Les équipes doivent se former au repérage précoce des violences. Il faut donner aux professionnels les outils de repérage précoce (bilan de santé en école maternelle, ...).

Souvent les femmes en situation de violences conjugales sont dans le déni, l'enfant a des retards de développement. Les intervenantes conviennent du manque de moyens de la PMI qui essaie de pallier à chaque situation, d'étayer les prises en charge. Elles notent qu'il y a une détérioration des conditions de la société faute de moyens. C'est un enjeu de société (rapport de la défenseure des droits): environ 13% des enfants de 6 à 11 ans présent un trouble probable de santé mentale. Il est nécessaire de lutter contre la "cécité" des professionnels pour se protéger, contre la tendance à ne pas croire que la maltraitance existe. Cela devrait être le premier réflexe à analyser pour les diagnostics. On ne parle pas assez de la maltraitance, les professionnels ne doivent pas rester seuls face aux situations de maltraitance pour une meilleure prise ne charge.

Intervention d'Eric Fiorentino (Solidarité femmes 13)- L'impact des violences dans le couple parental sur le développement de l'enfant. Son accompagnement

L'association Solidarité femmes 13 existe depuis 1976 et propose accueil, écoute, accompagnement, orientation. Elle propose un hébergement, un logement, une formation et travaille en réseau.

Chaque année, 2500 femmes victimes sont accompagnées par des travailleurs sociaux, des psychologues. Parler des violences permet de participer à la reconstruction psychique. La prise en charge concerne des victimes de violences conjugales, de violences sexuelles, de harcèlement sexuel hors violences conjugales, de mutilations génitales, de prostitution.

Le numéro national gratuit est le 39 19: tous les jours 24h/24 (fédération de 80 associations): 120000 appels par an (85% sont des violences conjugales). Cela concerne des volumes très importants. Les jeunes de 18-25 ans sont les plus touchées par les violences conjugales, l'alcool est présent dans 25% des cas.

En 2019: 146 féminicides - en 2020: 90 décès - en 2021: 143 décès (MIPROF, nov 2020). Un constat lors du grenelle des violences conjugales en 2019: les auteurs ne quittent jamais leurs compagnes. Mme est leur objet. La victime s'en va pour se protéger.

Le nombre de séparation était en baisse en 2020: il y a eu moins de féminicides alors qu'il y a eu une augmentation des violences faites aux enfants

Dans la représentation sociale: en cas de violence conjugale, il y a dissymétrie totale. La victime a peur, n'a aucun droit et lors de la médiation elle ne parle pas. Dans un conflit violent de couple, il y a une sorte de pied d'égalité, la médiation est opérante.

Lorsque le père menace ("de toute façon si tu parles, on va t'enlever tes enfants"), la toute-puissance de l'auteur est renforcée, la dame va encore plus cacher sa situation.

Question de l'autorité parentale: quid des thérapies pour les enfants? s'il n'y a pas de cadre de loi posée, le père peut s'opposer au soin sauf si le père est condamné, les soins sont possibles. Il faut travailler la parentalité, le lien mère enfant. Les gens ont du mal à différencier le couple conjugal et le couple parental. Certains continuent d'exercer jusqu'à la garde une emprise sur les enfants.

A voir l'outil "Tom et Léna" : Film court sur l'impact des violences au sein du couple sur les enfants réalisé par Johanna Bedeau pour la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof). Avec Swann Arlaud et Sarah Le Picard Durée : 15 minutesOutils de la miprodf Tom et Léna

Liste des permanences de Solidarité femme 13:

Intervention de Joanny Moulin, avocat pénaliste, président de Parole d'enfant: Aspect juridique - L'évolution de la loi

L'activité des professionnels est encadrée par les règles juridiques. Le droit est en retard. Les textes vont se heurter aux modalités, aux instances. Les retards concernent les textes, leur parution, leur application. Les violences conjugales prises en compte par les magistrats sont de quatre type: physique (dans le but de blesser - pousser est une violence), sexuel, psychologique (comportements, actes plus compliqués à définir, tels que actes visant à rabaisser la personne, propos dénigrants, dévalorisants en public, en famille, menaces), privation de toute autonomie financière du conjoint (mise en danger du patrimoine, crédits à la consommation, violences économiques, emprise, contrôle total)

Comment réagir:

-déposer plainte où on veut (les policier n'ont pas le droit de refuser une plainte si la personne ne réside pas dans l'arrondissement où elle dépose)

-appeler un avocat, la gendarmerie, contacter une association, faire un courrier avec accusé de réception au procureur

Comment être protégé par la justice des violences conjugales: le civil ou le pénal

Une femme victime peut saisir le Juge aux affaires familiales JAF pour obtenir une ordonnance de protection. Cela permet à la victime d'obtenir une décision du juge rapide pour la mettre à l'abris. Le JAF peut suspendre l'autorité parentale, ordonner la prise en charge psychologique de l'auteur, placer l'auteur présumé obligé de quitter le domicile conjugal et qui ne doit pas entrer en contact avant, pendant, après le dépôt de plainte.

En cas de grand danger: l'ordonnance de protection doit avoir lieu dans les 6 jours. Le JAF rend sa décision dans un délai de 24h, interdiction d'entrer en contact, de paraître dans certains lieux, de détenir une arme, suspension du droit de visite et d'hébergement, dissimulatin de l'adresse de la victime.

Quelques mesures : bracelet anti-rapprochement, téléphone grave danger: le Procureur de la République décide d'équiper la victime (6 mois renouvelable); autorité parentale: mesure de retrait

Sur le plan pénal (faits de crimes), la juridiction doit se prononcer sur l'autorité parentale (pour des coups c'est le tribunal correctionnel - pour des crimse c'est la cours pénale).

Aujourd'hui le mineur est devenu un acteur de la procédure pénale dans les situations de violences conjugales intrafamiliales. L'auteur est poursuivi en correctionnelle (délit). La femme peut se constituer partie civile et demander des dommages et intérêts.

Auparavant, le mineur était quasiment absent sauf avec le juge pour enfants. 2 textes de loi renforcent la lutte des violences conjugales et des violences sexistes et sexuelles avec circonstance aggravante lorsque l'enfant est présent lors des violences conjugales (loi 3/08/2018).

Loi 23 / 11/2021 article en cas de violences conjugales en présence d'un mineur. Le Procureur de la République doit relever en circonstance aggravante, le mineur peut se constituer partie civile. Un administrateur ad hoc va être désigné, le mineur sera entendu et représenté. L'accès de l'enfant à son juge est un droit fondamental conforté par ces derniers textes

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